Il était une fois l’AMPI
En 1986, il y a donc 36 ans, naissait l’Association Méditerranéenne de Psychothérapie Institutionnelle.
C’était le début d’une histoire qui continue à s’écrire.
Comme on le sait, avant toute naissance il y a une gestation. Donc une gestation assez longue, quelques années pendant lesquelles on a commencé à organiser des rencontres ici, à Marseille, et on a constitué un groupe qui se réunissait une fois par mois, le mardi.
Donc, ce fut le groupe du mardi. Inutile de procéder à une recherche en paternité pour l’AMPI. On peut juste dire qu’à l’origine, il y avait trois équipes ou trois services psychiatriques qui ont commencé à travailler ensemble. Le service d’Hélène Moreau, à Valvert, celui de Jacques Tosquellas, à La Capelette et celui d’Édouard Toulouse ( Le Secteur 10 à l’époque) où je travaillais.
Pour la petite histoire, en cette année 1986, il y a eu une occasion inattendue : Je suis allé assister au Congrès de la Fédération Croix Marines qui se déroulait à Angers. En marge du Congrès, Jean Oury avait organisé une réunion le dernier soir pour ceux qui s’intéressaient à la Psychothérapie Institutionnelle. Ce fut, pour moi, très enrichissant et quelques idées imprécises commencèrent à émerger. Le lendemain, Hélène Moreau qui était arrivé au Congrès en train, accepta de rentrer à Marseille avec ma voiture, ce qui nous donna l’occasion de préciser nos impressions, et c’est pendant ce voyage de retour qu’on a envisagé de créer une association.
À notre retour, on a parlé de cette idée avec le noyau d’origine, c’est à dire Marie-France Negrel, Henri Sadaoui, Jacques Tosquelles, Christiane Jacob et quelques autres qui ne sont plus présents dans ce groupe. Lorsque cette idée est devenue un véritable projet, on a proposé à d’autres équipes de se
joindre à nous. C’est ainsi qu’on s’est retrouvé à sept services. Outre les trois équipes d’origine, sont venues participer le Pr Giudicelli de la Faculté de La Timone, le Dr. Albaranès de la Clinique La Lauranne, Jean-Claude Tiran du Secteur 6, et le Dr. Dimitri Karavokyros de Laragne. En fait, les deux premiers ne sont venus que lors de la première réunion. Jean-Claude Tiran est mort jeune mais son secteur avait déjà disparu. Il était difficile pour Dimitri Karavokyros d’être présent aux réunions alors qu’il travaillait à Laragne et ensuite à Gap et il avait organisé de son côté des Journées à Laragne et plus tard à Gap.
Ce sont donc ces équipes initiales qui se sont occupé de l’organisation des Journées. Ce n’est que plusieurs années plus tard qu’Alain Abrieu et son équipe ont apporté à l’AMPI un renfort essentiel. Ce petit historique peut être considérée comme anecdotique car ce qui importe, c’est plutôt la « préhistoire » de cette association.
Qu’est ce qui nous a poussé à agir ainsi ? Sans doute par conviction et par affinités pour la plupart d’entre nous, mais il y a eu aussi des rencontres décisives. Si Jacques Tosquellas était déjà dans le bain et a suivi le chemin tracé par son père tout en se frayant ses propres sentiers, moi j’avais au moins trois points communs avec François Tosquelles : la Catalogne, la guerre d’Espagne et l’exil.
En tout cas, c’est grâce à François Tosquelles que nous avons pu connaître Jean Oury, Horace Torrubia, Hélène Chaigneau, Jean Ayme, Roger Gentis, Braulio, Salomon Resnik, Jacques Schotte et bien d’autres sans oublier bien sûr ceux de la deuxième génération comme Pierre Delion, Danielle Roulot, Michel Balat, Michel Lecarpentier, Patrice Hortoneda…
En parallèle, des parallèles, qui ne cessaient de s’entrecroiser, il y avait les autres colloques et les autres Journées : Saint Alban, Angers, Dax… et Reus avec les amis de l’Institut Pere Mata.
Sans tomber dans le sentimentalisme, je crois qu’il y avait et qu’il y a encore, dans ces rencontres, de l’amitié et de la confiance comme une chaîne constituée des maillons solides qui nous relient encore maintenant.
Si j’évoque le nom de ceux qui ont créé et fait vivre ce mouvement, la Psychothérapie Institutionnelle, c’est parce que ce genre de travail demande du temps et c’est pourquoi je parle aussi des générations. François Tosquelles disait que pour voir loin il faut se hisser sur les épaules de ses parents et de ses grands-parents.
C’est une loi irréfutable qui nous oblige à passer le témoin aux plus jeunes.
Tout aussi important est ce que nous rappelle Jacques Derrida : Pour que l’histoire s’inscrive dans la mémoire vivante des hommes, il faut donner hospitalité à nos morts.
On peut se demander pourquoi, et à quoi ça peut servir.
Deux réponses me paraissent évidentes :
D’abord pour apprendre. Un apprentissage toujours inachevé à partager avec les autres et la possibilité de transmettre une certaine expérience. Cela peut correspondre concrètement à ce qu’on appelle la formation professionnelle continue, d’autant plus que le Séminaire de l’AMPI, né la même année, continue tout en essayant d’améliorer son fonctionnement et son contenu.
Et, surtout, pour défendre la dignité des malades et revendiquer, avec François Tosquelles, la valeur humaine de la folie alors que le champ psychiatrique et médico-social est actuellement en grand danger.
Antoine VIADER
L’AMPI
Un coup d’œil à remonter le temps et déjà trente ans ont passé, toujours trop rapidement.
C’était au temps quand l’accueil de l’autre se faisait en prenant le temps de comprendre
d’où il parlait et s’il voulait bien me parler comme il parlait aussi aux autres, aux parties de
l’équipe qui se concerteraient pour qu’émerge un sujet. Et ça bruissait dans tous les recoins où se trouvait un Etablissement, ou plutôt des institutions qui travaillaient l’Etablissement pour qu’il devienne un lieu de soins.
Alors comment l’AMPI a-t-elle vu le jour ? L’affaire s’était conclue à Angers, en marge de
Journées de la Fédération Croix-Marine, je n’y étais pas mais on m’a raconté : là des
équipes de soins travaillaient l’institution, ailleurs vivaient des associations culturelles dans
les services, l’idée partagée était de faire du lien et de partager nos expériences, de promouvoir la formation aux pratiques institutionnelles et ce, le plus largement possible. De la
région, nous voyions loin : ce serait dans l’espace méditerranéen, l’Association Méditerranéenne de Psychothérapie Institutionnelle. L’option méditerranéenne s’est tout de même
accompagnée d’un lien étroit avec les collègues espagnols, disons de Catalogne , la terre
d’où était venu François TOSQUELLES, de même qu’avec des collègues portugais (sur
l’Atlantique, mais pourquoi se limiter ? ) .
Les premières journées ont eu lieu au Palais du Pharo dans une certaine ébullition, il y
avait là des médecins hospitaliers, des collègues psychiatres du privé certains travaillant
en clinique, des surveillants, des infirmiers, des travailleurs sociaux. François TOSQUELLES nous a parlé de son expérience dans un établissement de l’Oise, il avait évoqué l’émergence de résistances au travail institutionnel sous l’action de surveillants
chargés de la fonction « épiscopale » dans l’établissement, celle qui regarde tout et de très
haut, comme il l’avait précisé. Il faudra attendre quelques années de plus pour voir se «
professionnaliser » les fonctions thérapeutiques en divers corps de métier, chacun élaborant une terminologie particulière mais rassemblés au moyen de « protocoles » consacrés.
Néanmoins nombre de surveillants ont contribué et continue de contribuer activement au
travail institutionnel.
Les réunions de l’AMPI se sont donc tenues durant toutes les années, rencontres indispensables pour conserver l’énergie au travail, il faudrait évoquer, remercier tant de personnes qu’il est hasardeux d’en citer plus d’une.
Auguste OLIVE